Voilà plus de deux ans désormais que le rover arpente le fond du cratère Jezero, collectant échantillons et images. C'est d'ailleurs en analysant un panorama, capturé grâce à l'instrument Mastcam-Z entre le 28 février et le 9 mars, que les scientifiques se sont rendu compte que le rover se tenait certainement dans le fond d'un ancien lit de rivière. Il s'agirait même de l'une des rivières les plus profondes et les plus tumultueuses découvertes à ce jour sur la planète rouge.
Les images de Perseverance montrent en effet que les roches tapissant le site dit de Skrinkle Haven sont composées de sédiments grossiers et d'éléments de grande taille. Des indices qui permettent d’estimer l’énergie du courant ayant façonné cet ancien chenal de rivière.

Cette image satellite montre les vestiges d'un ancien delta de rivière dans le cratère Jezero sur Mars, et la position actuelle du rover Persevrance et du giravion Ingenuity. Crédits : ESA/DLR/FU-Berlin/NASA
Car comme sur Terre, plus le niveau d'énergie est haut, plus la rivière est capable de transporter de gros éléments. La différence entre un tumultueux torrent de montagne ou un fleuve tranquille en plaine s'observe donc, en partie, dans la nature et la morphologie des sédiments déposés dans le fond du chenal.
Ce qui frappe également sur les clichés de Perseverance, ce sont ces longues strates incurvées, d'ailleurs visibles depuis l'espace, et qui intriguent depuis longtemps les scientifiques. Là encore, il s'agit d'un indice suggérant un puissant courant. Le débat porte désormais sur le type exact de rivière ayant pu produire ce genre de structures.

Les strates incurvées photographiées par Perseverance au lieu nommé Skrinkle Haven dans le cratère Jezero seraient les marques d'un ancien lit de rivière à haute énergie. Crédits : Nasa/JPL-Caltech/ASU/MSSS
Il pourrait en effet s'agir d'une rivière dite méandriforme, serpentant à travers le paysage. Les méandres qui se forment se déplacent en effet régulièrement vers l'extérieur sous l'action de l'érosion des berges. Mais il pourrait également s'agir d'une rivière en tresse. Ce type de rivière se développe habituellement sur des pentes plus raides ou lorsque la charge sédimentaire est plus importante. Le chenal est alors marqué par la présence de nombreuses barres sableuses, qui constituent de petits îlots allongés dans le sens du courant au milieu du chenal. Ces barres ne sont pas fixes, elles évoluent et bougent au gré des variations du débit de la rivière, comme lors des événements de crues par exemple.
Les niveaux incurvés, photographiés par Perseverance, pourraient donc correspondre soit à d'anciens méandres ayant migré au cours du temps, soit à d'anciennes barres de sable. Si à l'origine ces deux types de constructions sédimentaires fluviatiles sont bien différentes et identifiables, des milliards d'années d'érosion par le vent ont sévèrement raboté ces roches.

Exemple de rivière en tresse sur Terre. Crédits : I, Gobeirne, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
La structure n'en reste pas moins très intéressante et les scientifiques soulignent d'ailleurs le fait qu'il est rare de l'observer de cette façon sur Terre, à cause notamment de la végétation qui masque bien souvent l'architecture des dépôts sédimentaires.
Un peu plus loin se trouve une autre formation géologique présentant cette fois-ci des strates formant un éventail s'élevant vers le ciel. Si son origine est certainement liée à une ancienne rivière, sa taille intrigue les scientifiques. Car si ce type d'architecture est bien observé dans les rivières terrestres, ce n'est jamais dans ces proportions.

Un peu plus loin, la butte de Pinestand montre des structures en éventail typiques d'un dépôt de rivière, quoique de très grande taille en comparaison de ce qui peut être observé sur Terre. Crédits : Nasa, JPL-Caltech, ASU, MSSS
Les investigations sur le site se poursuivent donc. Les scientifiques espèrent obtenir une image de ce qui se passe en profondeur, notamment grâce au géoradar dont est équipé le rover. Ces nouvelles données modifient la perception que l'on pouvait avoir des rivières martiennes et suggèrent des écoulements bien plus violents que ce que l'on pouvait penser jusqu'à présent. Source:
futura-sciences.com