Phobos est la plus grande des deux lunes de Mars. Mais sa taille est nettement plus inférieure que notre satellite naturel, avec un diamètre de 27 kilomètres. Phobos a une forme grossière et déformée par un immense cratère de neuf kilomètres de diamètre. Sa surface est marquée par de nombreux autres cratères et d'étranges rayures.
Les chercheurs astronomes tentent depuis des décennies de comprendre la formation de cet astre, pour savoir s'il s'agit d'un astéroïde capturé par la gravité de Mars, ou d'un morceau de la planète rouge éjecté lors d'un choc passé. De curieuses théories ont même vu le jour, affirmant que Phobos serait construit par une intelligence extraterrestre, ou qu'il serait creux. Il faut bien admettre que les données sont rares, car il n'est pas facile de s'approcher suffisamment d'un tel corps céleste pour l'observer plus en détail.

La sonde américaine Mariner 9 fût la première a acquérir en 1972 une image du satellite Phobos. Crédits: NASA
C'est là que la sonde Mars Express entre en jeu. En service depuis 19 ans, la sonde européenne a pour objectif principal d'étudier la structure interne de Mars. Equipée d'un instrument nommé MARSIS (Mars Advanced Radar for Subsurface and Ionosphere Sounding), Mars Express peut littéralement bombarder la planète rouge d'ondes radio basse fréquence pour analyser ses couches profondes.
« Comme le but, au départ, était d’observer Mars, il y avait une altitude minimale, explique Carlo Nenna, ingénieur sur MARSIS. Le temps entre le signal envoyé et la réception de son écho correspondait à 250 km. Mais, nous avons fait des mises à jour et découvert que nous pouvions réduire ce délai, et donc cette altitude. »

La sonde Mars Express a été lancé en 2003 pour étudier la structure interne Mars. Crédits: ESA
L'agence spatiale européenne a dû installer une mise à jour majeure sur sa sonde Mars Express située à plusieurs dizaines de millions de kilomètres. Et cela n'a pas été une mince affaire, d'autant plus que le logiciel de l’instrument Marsis fonctionne sous Windows 98 ! Grâce à ces modifications, les astronomes ont profité d'un survol de Phobos à seulement 85 kilomètres pour récolter de précieuses données. Le record d'approche date du 3 mars 2010, avec un survol à 67 kilomètres.
« Se rapprocher nous permet d’étudier la structure de Phobos plus en détail et d’identifier des caractéristiques importantes que nous n’aurions jamais pu voir de plus loin. C’est seulement là que nous pourrons savoir s’il est uniforme, ou s’il y a différentes couches de matière, ou des cavités. À l’avenir, nous sommes convaincus que nous pourrions utiliser MARSIS à moins de 40 km. L’orbite de Mars Express a été affinée pour nous rapprocher le plus possible de Phobos lors d’une poignée de survols entre 2023 et 2025, ce qui nous donnera des opportunités d’essayer », précise Andrea Cicchetti, chercheur à l’ESA.

L'image en haut à droite montre le "radargramme" acquis par MARSIS lors du survol de Phobos le 23 septembre 2022. La ligne lumineuse continue montre l'écho de la surface de la lune. Les réflexions inférieures sont soit un "encombrement" causé par des caractéristiques à la surface de la lune, soit, plus intéressant, des signes de possibles caractéristiques structurelles sous la surface. Crédits: ESA
« Pour la première fois, nous avons eu une anomalie dans les données, ajoute Andrea Cicchetti. Il y a eu des sous-réflexions sous la surface, ce qui peut être le signe de stratifications ou de cavités. C’est encore un peu tôt pour le confirmer et il faudrait une analyse plus poussée, mais c’est ce qui ressort à première vue. »
La taille et la forme de Phobos rendent difficiles son analyse. Avec une surface difforme, une vue précise de son sous-sol est très compliquée à obtenir, comparé à la forme sphérique de Mars. Mais de premiers éléments laisse penser que le satellite martien serait bien issu de la planète rouge, et qu'il aurait été arraché lors d'un impact, un peu comme notre Lune terrestre.

D'étranges rayures sillonnent la surface de Phobos. Crédits: ESA
Mais des doutes subsistent. Phobos a néanmoins l'allure d'un astéroïde. Sa couleur évoque d'ailleurs les nombreux astéroïdes carbonés situés dans la ceinture principale d'astéroïdes, entre les orbites de Mars et de Jupiter. Cette hypothèse semble moins probable, car l'orbite de Phobos ne correspond pas à celle d'un astéroïde. Mais il est encore trop tôt pour l'écarter totalement. Seule la sonde Mars express pourra trancher dans les années à venir.
La sonde européenne prépare également le terrain d'une autre mission qui concerne Phobos, mais aussi Déimos, l'autre satellite (plus petit) de Mars. L'agence spatiale japonaise prévoit d'envoyer la sonde MMX (Martian Moons Exploration) en 2024, pour étudier les lunes martiennes. L'enjeu majeur de cette mission est de renvoyer sur Terre un échantillon de Phobos pour effectuer des analyses plus approfondies.
Source:
esa.int