Curiosity
Caractéristiques
Mars Science Laboratory (en français Laboratoire scientifique pour Mars) est une mission d'exploration développée par la NASA. La sonde spatiale a été lancée le 26 novembre 2011 par une fusée Atlas V. Le site d'atterrissage, sur lequel la sonde spatiale s'est posée le 6 août 2012 à 5h31 UTC, est situé dans le cratère Gale. Celui-ci présente des formations reflétant les principales périodes géologiques de la planète dont le Noachien, qui aurait pu permettre l'apparition d'organismes vivants.
Au cours de sa mission, le rover, baptisé Curiosity, a recherché si un environnement favorable à l'apparition de la vie a existé, et analysé la composition minéralogique. Il a étudié la géologie de la zone explorée et collecté des données sur la météorologie et les radiations qui atteignent le sol de la planète. La durée de la mission fut fixée initialement à une année martienne, soit environ 669 sols (jours solaires martiens), ou encore 687 jours terrestres. Aujourd'hui Curiosity est en bon état, et poursuit ses recherches, malgré des roues superficiellement endommagées sur des terrains accidentés.
Le rover Curiosity est cinq fois plus lourd que ses prédécesseurs Spirit et Opportunity, ce qui lui permet d'emporter 75 kg de matériel scientifique, dont deux mini-laboratoires permettant d'analyser les composants organiques et minéraux ainsi qu'un système d'identification à distance de la composition des roches reposant sur l'action d'un laser. Les laboratoires embarqués sont alimentés par un système sophistiqué de prélèvement et de conditionnement d'échantillons comprenant une foreuse.
Pour répondre aux besoins accrus d'énergie et s'affranchir des contraintes de l'hiver martien et des périodes nocturnes, le rover utilise un générateur thermoélectrique à radio-isotope qui remplace les panneaux solaires mis en œuvre par les précédentes missions. Conçu pour parcourir 20 km et gravir des pentes de 45°, Curiosity bénéficie de logiciels évolués pour naviguer sur le sol martien et exécuter les tâches complexes qui l'attendent.
Curiosity constitue une mission interplanétaire très ambitieuse. La complexité de la sonde et du rover ainsi que la nécessité de mettre au point de nouvelles technologies spatiales ont entraîné des modifications importantes du concept de départ durant le développement. Les dépassements de coût qui en ont résulté ont failli entraîner l'annulation de tout le projet. Le lancement prévu initialement en 2009 a dû être repoussé 26 mois plus tard, en novembre 2011.
Le rover embarque 10 instruments scientifiques développés avec la participation de laboratoires étrangers. Ils doivent lui permettre de détecter d'éventuelles traces d'eau, analyser précisément les roches, d'étudier les minéraux présents à la surface de Mars, mesurer la chiralité des molécules détectées, et effectuer des photographies à haute résolution.
Ces équipements se rangent dans quatre catégories :
- 2 instruments permettant de faire des analyses à distance et situés dans le mât du rover : la caméra MASTCAM et le Laser CHEMCAM qui détermine la composition des roches à l'aide d'un laser, fournissent une première analyse chimique et géologique de l'environnement.

- 2 instruments fonctionnant au contact de l'objet à analyser dont les senseurs sont situés au bout du bras du robot : le spectromètre à rayons X APXS et la caméra microscope MAHLI fournissent la composition chimique et des images détaillées facilitant la sélection des échantillons à analyser.
- 2 laboratoires d'analyse logés dans le corps du rover et alimentés en échantillon de sol ou de roche martienne par la foreuse et la mini pelleteuse situés au bout du bras du rover : CheMin qui effectue l'analyse minéralogique et SAM qui effectue l'analyse des éléments organiques et volatiles.
- 4 instruments caractérisant l'environnement martien : la station météorologique REMS, le détecteur de particules énergétiques RAD qui mesure les radiations qui parviennent jusqu'au sol, le détecteur de neutrons DAN chargé d'identifier la présence d'eau dans le proche sous-sol et la caméra de l'étage de descente MARDI qui réalise avant l'atterrissage des photos de la zone environnante.
Le rover Curiosity est un engin particulièrement imposant avec une masse de 899 kg et une longueur de 2,7 mètres. La partie centrale du rover montée sur roues, la boîte électronique chaude renferme l'électronique et les deux instruments scientifiques qui doivent analyser les échantillons de sol et de roche. Un mât, qui est implanté sur l'avant de ce boîtier et qui culmine à 2,13 mètres, porte plusieurs caméras, des sondes atmosphériques, ainsi que le spectromètre laser.
Le bras télécommandé est articulé à l'avant du rover et supporte à son extrémité les équipements de prélèvement d'échantillon ainsi que deux instruments scientifiques. L'arrière du boîtier est occupé par le générateur thermoélectrique à radio-isotope que surplombent les antennes de télécommunications.
Le rover Curiosity dispose d'une source d'énergie indépendante de l'éclairement. L'électricité est générée par un générateur thermoélectrique à radio-isotope de nouvelle génération, utilisant une charge de 4,8 kg de dioxyde de plutonium enrichi en plutonium 238, générant une puissance initiale d'environ 2000 W thermiques convertis nominalement en 120 W électriques.
Pour transmettre les données scientifiques recueillies, les données de navigation et les données télémétriques sur son fonctionnement ainsi que pour recevoir les instructions mises au point par l'équipe à Terre, le rover dispose d'une antenne hélice quadrifilaire fonctionnant en bande UHF. Celle-ci est utilisée pour les communications à courte portée avec les sondes en orbite autour de Mars, notamment MRO et Mars Odyssey. Deux autres antennes en bande X sont utilisées pour les communications à longue distance directement avec la Terre.
Déroulement de la mission
Le rover s'est déposé à l'intérieur du cratère Gale. Ce cratère de 154 km de diamètre comporte en son centre le Mount Sharp, un pic qui culmine à 5 kilomètres au-dessus de son plancher. Plusieurs indices, fournis par les satellites en orbite autour de Mars donnent à penser que l'eau a circulé autrefois dans le cratère. L'équipe scientifique et celle chargée des opérations ont identifié six routes conduisant au pied du Mount Sharp (appelé également Aeolis Mons) qui constitue l'objectif principal de la mission. Le voyage pour y parvenir doit durer une année durant laquelle le rover étudiera les terrains rencontrés en chemin.
Mais le 17 août 2012, les scientifiques décident de diriger Curiosity dans une zone baptisée Glenelg, située à 600 mètres à l'est/sud-est du site d'atterrissage, c'est-à-dire dans la direction opposée au Mont Sharp. Les vues satellitaires révèlent que cette zone se trouve à l'intersection de trois terrains extrêmement différents, d'où l'intérêt de les étudier.
Durant les jours qui suivent, la mobilité du rover et différents instruments sont testés de manière progressive. Le 19 août, le laser ChemCam est utilisé pour la première fois sur une petite roche16. Le 20, le bras est déplié pour la première fois. le 21, les roues sont mises en action, puis le rover effectue son tout premier déplacement de 6,5 mètres, le 22 août 2012. En revanche, la NASA annonce qu'un des deux anémomètres de la station météo REMS ne fonctionne pas, sans doute endommagé par la projection d'un caillou lors de l'atterrissage.
Le 27 août, le rover quitte le site Bradbury en effectuant son deuxième déplacement (11 mètres) qui doit le conduire à Glenelg. Du 19 au 22 septembre 2012, Curiosity s'approche d'un rocher baptisé Matijevic, vraisemblablement façonné par les grains de sable projetés par le vent. Il est analysé par le spectromètre APXS. Le 27, des graviers d'origine sédimentaire sont photographiés. De taille importante et de forme arrondie, les scientifiques considèrent qu'ils n'ont pas été transportés là par le vent mais par un cours d'eau d'une profondeur de quelques dizaines de centimètres, confirmant l'hypothèse de l'existence d'un delta. Le 30, le rocher Bathurst Inlet, dont plus de la moitié de la surface est recouverte de poussière éolienne, est analysé à l'aide du spectromètre APXS et de la caméra microscope MAHLI.
Le 1er octobre 2012, après avoir parcouru près de 500 mètres, Curiosity réalise un panorama de Gleneld. Il s'approche d'une dune baptisée Rocknest près de laquelle il va stationner pendant plus d'un mois et demi, jusqu'au 18 novembre, la photographiant, s'engageant dessus de sorte que l'empreinte de roue permette d'évaluer la texture du sable. Le 4 octobre, le rover poursuit l'analyse de la tranchée qu'il a créée dans la dune.
Du 19 novembre au 6 décembre 2012, c'est une autre roche, Bell Island, qui est analysée un peu plus loin. Curiosity met alors en action l'ensemble de ses instruments dont pour la première fois le laboratoire chimique SAM, en vue d'analyser un échantillon de sable. Ceux-ci indiquent qu'il est composé à 50 % de minéraux d'origine volcanique et à 50 % de matériaux non cristallins comme des verres. Comme Phoenix, SAM identifie des perchlorates.
Pendant presque quatre mois, du 27 août au 14 décembre 2012, le rover n'aura parcouru que 677 mètres, ce qui correspond à une moyenne d'environ 6 mètres par jour. Il évolue ensuite à l'intersection de trois zones distinctes. Les cinq mois qui vont suivre vont être marqués par une activité géologique intense, dans une de ces trois zones, au périmètre extrêmement limité, baptisée Yellowknife Bay.
Le 20 décembre 2012, Curiosity entre dans la zone baptisée Yellowknife Bay. C'est désormais dans une zone chaotique qu'il évolue, plus précisément au creux d'une légère dépression bordée d'un affleurement rocheux plat. Ce qu'il va découvrir à cet endroit justifie le fait que les scientifiques vont l'y maintenir pendant près de six mois. Il ne parcourra en effet que 33 mètres jusqu'au 5 juin 2013.
Les géologues émettent l'hypothèse qu'il s'agit du fond d'un ancien lac ou d'un ancien delta fluvial. Leur interprétation est confirmée par les analyses chimiques. En étudiant des veines de roches aux tons plus clairs, l'instrument Chemcam identifie en effet des teneurs élevées en calcium, soufre et hydrogène qui traduisent la présence de sulfate de calcium hydraté. Sur Terre, cette combinaison se forme lorsque de l'eau circule dans des fractures de la roche.
Le 19 janvier 2013, le rover étudie un nouveau site, baptisé John Klein où il va demeurer jusqu'au 11 mai. Il utilise pour la première fois sa foreuse, afin de prélever un échantillon de roche qui n'a pas été altérée par les différents phénomènes affectant la surface de Mars (érosion éolienne, radiations solaires...). L'analyse des échantillons collectés montre que le site contient deux types de minéraux formés en présence d'eau liquide : des phyllosilicates (ou des argiles) et des sulfates (sorte de sels), formés dans de l'eau au pH neutre. Par ailleurs, les grains récoltés ne sont pas rouges, comme tous ceux repérés par les robots Spirit et Opportunity, mais gris. Tout ceci suggère qu'ils n'ont pas été oxydés et donc que le milieu est moins ferreux. Glenelg se situe donc sur un ancien lit de rivière ou un ancien lac, comme le supposaient les géologues. Le site de Yellowknife Bay semble ainsi plus propice à la vie que tous ceux analysés jusqu'à présent sur Mars.
Le 12 mai 2013, le rover se déplace devant le rocher Cumberland, où il va rester trois semaines, jusqu'au 6 juin. Le 19 mai, il effectue un second forage dans le but de confirmer les résultats du premier. Le 7 juin, Curiosity quitte finalement les lieux en direction de son objectif premier, le Mont Sharp.
Revenu quasiment sur ses pas le 9 juillet 2013, le rover se dirige ensuite vers le sud-ouest et progresse à un rythme soutenu. Il parcourt 4 kilomètres jusqu'au 22 octobre 2013. Le rover s'attarde cependant sur deux sites : Darwin, du 11 au 22 septembre, puis Cooperstown, du 31 octobre au 14 novembre 2013.
Le 18 mars 2014, Curiosity s'approche du massif Kimberley, de forme triangulaire. Le 23 avril, il s'immobilise pour trois semaines au pied d'une roche baptisée Windjana. Les scientifiques espèrent y trouver des molécules organiques, raison pour laquelle ils effectuent un forage, le troisième depuis l'arrivée du rover sur Mars. Le 15 mai 2014, il s'éloigne de Windjana et du massif Kimberley, poursuivant sa route vers le sud en direction des bases du mont Sharp.
Le 25 mai 2014, le rover examine deux météorites riches en fer, baptisées Lebanon et Lebanon B. Les déplacements se font à un rythme plus soutenu, le sol étant peu accidenté. Le 8ème kilomètre est atteint le 23 juin 2014. Le rover atteint ensuite un champ de dunes baptisé Radcliff. Ses roues ne cessant de s'enfoncer, les navigateurs choisissent de lui faire rebrousser légèrement chemin pour contourner l'obstacle. Curiosity sort alors progressivement d'une région plate, ses parcours vont se limiter à une vingtaine de mètres par jour. Depuis plusieurs mois, les responsables de la navigation traçaient ses trajectoires de façon à lui éviter les zones rocheuses et ainsi ménager ses roues. Mais à partir du 10 juillet 2014, le rover est contraint de traverser un plateau rocheux de 200 mètres baptisé Zabriskie, aucun détour n'étant envisageable. Heureusement, les roues ne subissent que des dommages limités.
Le 31 juillet 2014, Curiosity arrive aux abords d'une petite dépression baptisée Hidden Valley, dont la paroi nord s'avère particulièrement intéressante au plan géologique. Le sol est entièrement tapissé d'importantes dunes de sable. Curiosity ayant franchi avec succès Dingo Gap en février, les techniciens du JPL se risquent à l'envoyer visiter le site. Mais le 4 août, alors qu'il vient d'atteindre son 9e kilomètre, le rover progresse difficilement, dérapant de nombreuses fois. Les opérateurs choisissent alors de ne pas éprouver davantage ses capacités et, après lui avoir fait photographier la paroi, décident de lui faire faire demi-tour.
La nouvelle trajectoire prévoit le contournement de Hidden Valley par une zone rocailleuse située au nord puis un cheminement vers une autre dépression, baptisée Amargosa Valley. Le 5 septembre 2014, après avoir traversé ce terrain caillouteux, Curiosity délaisse la vallée Amargosa, jugée trop risquée en raison des dunes, et traverse la vallée Owens par le flanc nord, le centre étant lui aussi couvert de dunes. Il emprunte ensuite le corridor Jubilee Pass. Les scientifiques s'intéressent à un ensemble rocheux traversé par une faille faisant apparaitre de fines strates. Les jours suivants, un panorama complet est réalisé avec la Mastcam des affleurements rocheux de Panamint Butte et de Upheaval Dome, entre lesquels le robot se faufile entre les 13 et 15 septembre. Ils présentent des roches finement stratifiées et montrent des signes d'érosion éolienne. Le 19 septembre, après s'être faufilé entre les dunes de la partie ouest de la vallée Amargosa, le rover atteint les Pahrump Hills, considérées comme la première structure géologique associée au Mont Sharp, et constitue à ce titre un objectif scientifique de première importance.
En atteignant les Pahrump Hills, le rover achève sa phase d'approche. Curiosity se trouve au pied des contreforts du Mont Sharp et il entame le cœur de sa mission consistant à analyser les différentes strates géologiques qui forment le Mont Sharp. Les objectifs de l'exploration scientifique prennent désormais le pas sur toute autre considération ce qui doit permettre au rover de séjourner aussi longtemps que nécessaire sur les sites jugés intéressants.
Les Pahrump Hills se situent à la jonction du sol du cratère constitué de débris transportés depuis la bordure nord de celui-ci et de la couche géologique inférieure du Mont Sharp. Ils constituent la première manifestation d'une structure géologique originale baptisée formation Murray, aux caractéristiques très différentes de ce que le rover a rencontré jusque-là et qui est présente sur près d'un tiers de la surface du Mont Sharp.
Le rover effectue une reconnaissance préliminaire des Pahrump Hills du 19 septembre au 2 novembre 2014. Le 24 septembre, le rover effectue un forage sur le site de Confidence Hills dans un sol qui se révèle plus tendre que ce qui avait été rencontré jusque-là. Il extrait une carotte de 6,7 cm de profondeur. L'échantillon analysé présente une proportion nettement plus importante d'hématite (un minéral à base d'oxyde de fer) que dans les sols étudiés auparavant. Or l'hématite se forme en présence d'eau.
Le 3 novembre 2014 , le rover entame une exploration plus détaillée des Pahrump Hills. Il revient à son point de départ de Confidence Hills, avant d'étudier le site de Kelso. Puis sont analysés successivement les Pink Cliffs, une crête d'environ dix mètres de long, l'affleurement Book Cliffs, les Alexander Hills, l'affleurement Chinle et enfin Whale Rock. L'orbiteur MAVEN, en orbite autour de Mars depuis le 21 septembre 2014, est utilisé pour la première fois comme relais pour la transmission des données vers la Terre. Bien que placé sur une orbite moins favorable que Mars Odyssey ou MRO, il est chargé de reprendre le rôle de ces satellites vieillissants lorsque ceux-ci tomberont en panne. Durant cette période, le rover entreprend une étude détaillée de différentes roches sélectionnées pour leur intérêt scientifique.
Le 8 janvier 2015, le rover entame une troisième boucle dans les Pahrump Hills en revenant au nord de la zone dans le but d'analyser une série de sites classés comme prioritaires au cours des phases précédentes. Durant plus d'un mois, il stationne sur le site Pink Cliffs. Un forage est effectué le 28 janvier sur le site Mojave. Le site est parsemé de roches à grain fin contenant des cristaux. Des analyses préliminaires suggèrent qu'il s'agit de jarosite, un minéral qui se forme dans un milieu baigné par des eaux acides. Mais les scientifiques ne disposent pas d'assez d'informations pour déterminer si la roche s'est formée dans ce milieu ou si elle a été altérée par ces eaux après sa formation.
Le 12 février 2015, le rover revient vers le sud, entre Newspaper Rock et Whale rock. Le 20 février il prend position devant l'affleurement rocheux baptisé Telegraph Peak, sur lequel il effectue le 24 un nouveau forage. Le 11 mars 2015, Curiosity quitte les Pahrump Hills en direction du sud-ouest, en passant par une vallée étroite baptisée Artist's Drive avec comme objectif d'étudier la strate suivante du Mont Sharp.
L'objectif suivant est une unité géologique baptisée Stimson constituée d'une roche qui a mieux résisté à l'érosion que celle formant les Pahrump Hills et qui génère un relief plus accidenté. Les scientifiques veulent étudier la zone de contact entre les unité géologiques Murray et Stimson pour déterminer la relation existant entre elles. L'itinéraire commence par un petit corridor entre deux escarpements : Artist’s Drive. Mais auparavant, du 15 au 28 mars 2015, Curiosity inspecte un affleurement pour le moins étonnant baptisé Garden City, un site constitué d’innombrables veines claires et foncées avec des crêtes entrecroisées jaillissant du sol. Le 30 mars 2015, il inspecte un rocher baptisé Kanosh puis, le 8 avril, pénètre dans Artist’s Drive qu'il traverse en deux jours. Le passage s'élargit alors et Curiosity poursuit sa route.
Le 16 avril 2015, Curiosity franchit son dixième kilomètre et atteint une zone dégagée. Le 22, la décision est prise de le faire passer par une petite vallée jugée intéressante au plan géologique, le col Logan, au terme d'un détour par le site Mount Shields, qu'il atteint le 30 avril et qu'il étudie pendant quatre jours. Le 5 mai, le rover se rend vers Jocko Chute, un passage étroit situé entre Jocko Butte et Apikuni Mountain, qui débouche sur le col Logan. Ce jour là, il effectue un déplacement de 262,41 mètres, qui constitue le record de distance parcourue en une seule journée par un rover. Mais le 14 mai le rover doit faire demi-tour car l'accès au col est impraticable car trop pentu. Le trajet se fera par un autre passage, situé plus au nord, le col Marias, où il s'engage le 21 mai 2015 et où il va séjourner pendant près de trois mois.
Le 19 juillet 2015 le rover est dirigé vers un escarpement situé à la base de Apikuni Mountain et baptisé Lion. Après avoir obtenu le feu vert pour utiliser de nouveau la foreuse, un échantillon dans la roche Buckskin présentant les caractéristiques adéquates est prélevé. le matériau qui est extrait est le plus clair de tous ceux prélevés jusque-là. Il s'avère composé d'une forme de silice baptisée tridymite qui est détectée pour la première fois sur Mars. Sa présence est complètement inexpliquée car elle se forme normalement dans des roches volcaniques ou métamorphiques alors que les sols du site sont formés de roches sédimentaires.
Le 7 août 2015, Curiosity opère un demi-tour et revient vers le rocher Missoula, près duquel il a été immobilisé en juin, puis quitte définitivement le col Marias.
Le 8 septembre 2015, le rover pénètre dans une zone appelée Bridger Basin, laissant sur sa droite un escarpement important baptisé Bob Marshall Ridge. Puis il entre dans une petite aire dont il va analyser les roches pendant près de deux mois. Du 22 septembre au 10 octobre 2015, il reste stationné devant la roche Big Sky, sur laquelle il effectue un forage le 29 septembre. À nouveau, les échantillons révèlent une forte teneur en silice. Du 8 au 23 octobre 2015, il étudie une roche voisine, Greenhorn, sur laquelle il effectue nouveau forage.
Le 3 novembre 2015, le rover quitte Bridger Basin et poursuit sa route vers le sud-ouest vers les Bagnold Dunes. Celles-ci intéressent les scientifiques car elles sont différentes de toutes celles étudiées par Curiosity jusque-là. Il s'agit de dunes actives, très sombres et comportant une signature spectrale d'olivine spécifique.
Le 23 novembre 2015, le rover s'engage sur une bande étroite bordée par deux grands champs de dunes de gravier sombre, faisant partie des Bagnold Dunes : High Dune, sur sa gauche, et Namib Dune, sur sa droite. Le lendemain, il s'approche de la première et l'étudie pendant plus de deux semaines. Le 13 décembre 2015, il se rapproche cette fois de l'autre champ de dunes, Namib Dune. Il y séjourne plus de deux semaines avant de revenir sur ses pas le 6 janvier 2016. Il lui est en effet impossible de poursuivre son chemin vers le sud, en direction du Mont Sharp, sans risquer de d'enliser dans les sables. Du 7 janvier au 8 février 2016, le rover effectue un séjour prolongé sur le site Golabeb, Hebron, procédant à de multiples analyses du sable de Namib Dune. Le 10 février, il reprend ses déplacements et est dirigé vers le nord pour quitter définitivement la zone séparant High Dune et Namib Dune en direction du plateau Naukluft, qu'il atteint le 7 mars 2016.
Le 11 avril 2016, le rover pénètre dans une petite zone qu'il va explorer pendant plus d'un mois et baptisée Stimson. Le lendemain, en effet, l’instrument Chemcam identifie sur un bloc un taux particulièrement élevé de silice. Curiosity étudie cette roche et y effectue un forage, le 10ème depuis son arrivée sur Mars. Le 23 avril, ce forage est opéré sur le rocher Lubango. Le 5 mai est effectué un nouveau forage, sur le site Okoruso, puis le 4 juin, un troisième sur le site Oudam. Le 13 juin 2016, Curiosity s'éloigne du plateau Naukluft en direction du sud, sur un terrain toujours aussi accidenté.
Curiosity contourne les Bagnold Dunes par l'ouest : Helgas Dune d'abord, puis, en juillet 2016, Kalahari Dune. L'équipe du JPL lui assigne ce cap vers le sud jusqu'à son objectif ultime : le sommet du Mont Sharp. À la fin du mois de juillet, le rover aborde une zone couverte de mesas (plateaux ou simples buttes à sommet plat et aux versants abrupts), évoluant à proximité des Murray Buttes à partir du 8 août 2016 afin d'y trouver des indices sur les changements climatiques.
Le 6 septembre 2016, Curiosity arrive à la hauteur du dernier mesa et se positionne à la base de son flanc sud. Il envoie des images spectaculaires et effectue un nouveau forage sur le site Quela. Le 22 septembre 2016, il quitte définitivement la zone.
Le 21 octobre 2016, il effectue un forage sur le site Sebina. Les images prises alors mettent en évidence la présence de vent. Le 28 octobre, est découverte une météorite de la taille d'une balle de golf. D'autres météorites nickel-fer ont déjà été trouvées sur Mars par les rovers Spirit et Opportunity mais celle-ci est la première à être découverte par Curiosity. C'est aussi la première a être examinée par spectroscopie induite par laser.
Le 26 avril 2017 le rover s'éloigne des dunes Bagnold et avance dans la formation Murray vers l'escarpement Vera Rubin dont la richesse en hématite a été identifiée à travers les observations effectuées par satellite. Ce bourrelet continu au pied du mont Sharp présente un grand intéret scientifique mais doit également être obligatoirement franchi pour pouvoir poursuivre l’ascension du Mont Sharp. Le rover escalade une pente beaucoup plus raide (10% en moyenne) et l'équipe scientifique a décidé d'effectuer une analyse systématique du sol à l'aide des instruments MAHLI et APXS à chaque fois que Curiosity gagne 5 mètres en altitude. Le terrain, parsemé de roches, ne permet plus d'anticiper aussi bien les obstacles sur les prises de vue et le rover ne parcourt désormais jamais plus de 50 mètres d'un coup, mais le plus souvent seulement 30 mètres. Le rover gravit la pente de biais et il s'écoule deux à trois jours entre deux analyses de terrain. Les roches, beaucoup plus tendres que sur le site Bradbury, ne provoquent pas dégâts supplémentaires aux roues de Curiosity. A mesure que l'on approche du sommet de la couche correspondant à la formation Murray, les roches jusque-là de couleur rosée/orangée cèdent la place à une roche grise. Le 8 juin 2017, le rover contourne l'escarpement Vera Rubin, et met 3 mois pour parcourir les 600 mètres le menant au sommet de Vera Rubin, 45 mètres plus haut. Une conjonction solaire bloque toutes les communications entre le 15 juillet et le 7 août. Le 7 septembre 2017, après avoir affronté des pentes de 15 à 20%, il atteint le sommet de l'escarpement Vera Rubin.
Au cours des quatre mois suivants (jusqu'à décembre 2017), le rover parcourt 600 mètres à petites vitesse au sommet de l'escarpement Vera Rubin en se dirigeant vers le sud. Durant cette traversée, le rover découvre de nombreuses roches colorées. Il est ralenti durant cette période par de multiples problèmes (liaisons télécom défaillantes, court-circuit, anomalie de fonctionnement du bras, roues bloquées...), tandis que les équipes au sol sont toujours à la recherche d'une solution pour dépanner la foreuse. Durant la première partie de cette traversée qui se déroule sur la plus basse des deux terrasses formant cet escarpement, le rover rencontre des roches finement laminées comme celles de la formation Murray. Sur la terrasse supérieure, qui est atteinte fin novembre 2017, des formations rocheuses très curieuses, caractérisées par une palette de couleurs variées, sont observées : Ci-dessous, les photos réalisées notamment sur la roche Haroldswick montre des inclusions ayant la forme de bâtonnets de la taille d'un grain de riz émergeant de la roche. Ceux-ci pourraient être des cristaux minéraux qui se sont formées dans une eau chargé en minéral.
Un nouveau mode d'utilisation de la foreuse a été mise au point par les techniciens au sol. Désormais le foret n'est plus enfoncé dans la roche par un moteur interne de la foreuse mais il est enfoncé par le bras dans la roche. Pour y parvenir, le foret est sorti au maximum de son logement, mais il ne bénéficie plus des supports qui normalement prennent appui sur le sol et stabilise la foreuse durant les opérations. Par ailleurs les techniciens ont renoncé à utiliser la percussion à l'origine de court-circuits. Dans cette nouvelle configuration le foret ne peut plus s'enfoncer que de 20 à 40 millimètres dans le sol au lieu des 65 millimètres prévus à l'origine.
Le 21 février 2018 l'escarpement Vera Rubin ayant été entièrement parcouru, l'équipe au sol décide de faire une première tentative de forage sur ce site. Mais les deux tentatives effectuées les 1 et 6 mars 2018 sont des échecs. Le foret ne parvient pas à s'enfoncer de plus de 1,5 centimètres dans la roche ce qui ne permet pas de faire monter un échantillon de sol dans la chambre réservée à cet effet. Les tests effectués par la NASA ne pouvant expliquer ce résultat, l'équipe au sol en conclue que le problème réside dans la dureté exceptionnelle des roches de l'escarpement. Cette explication semble corroborée par les observations : nombre de cratères, empreintes laissées au sol par les roues du rover, traces de la brosse DRT, profondeur des trous réalisés à l'aide du laser de ChemCam.
Finalement le 20 mai 2018, une nouvelle tentative de prélèvement d'échantillon du sol est couronnée de succès. Le foret parvient à s'enfoncer de 5,1 centimètres dans le sol en creusant un trou de 1,6 centimètres de diamètre. L'échantillon prélevé sur la roche Duluth (en image ci-dessous) est analysé par les laboratoires embarqués CheMin et SAM. C'est le premier échantillon de sol prélevé et analysé depuis octobre 2016. La saison des tempêtes de poussière débute sur la face opposée de Mars et elle atteint le site de Curiosity le 20 juin 2018.

L'étude des dépôts argileux situés sur les flancs du Mont Sharp et détectés depuis l'orbite par les instruments de Mars Reconnaissance Orbiter constituent l'objectif principal de la mission du rover Curiosity et la principale raison de la sélection du site du cratère Gale. Ils constituent en effet la preuve que Mars a été à une époque un monde pouvant accueillir la vie et ils recèlent peut être des indices sur la présence de celle-ci. Certes de l'argile a déjà été détecté durant la traversée jusqu'au mont Sharp, mais dans des proportions beaucoup plus faibles non détectables depuis l'orbite. Le rover parvient au dépôt argileux fin janvier 2019 soit plus de 2300 jours après son atterrissage sur le sol martien. Le 6 avril 2019, un premier échantillon de roche est prélevé par la foreuse sur la roche Aberlady dans le dépot argileux. La roche est tellement tendre que la percussion de la foreuse n'a pas besoin d'être utilisée.
Fin juin 2019, la NASA a annoncé que le rover venait de mesurer son plus haut taux de méthane avec l'instrument Sam (Sample Analysis at Mars). Le spectromètre laser a en effet mesuré une quantité de méthane d'environ 21 parties par milliard en volume (ppbv). Malheureusement, comme le rappelle l'américain Paul Mahaffy, qui dirige l'équipe en charge du Sam : « Avec nos mesures actuelles, nous n'avons aucun moyen de savoir si la source de méthane est d'origine biologique ou géologique, ancienne ou moderne ». Résultats scientifiques
Dans la petite dépression baptisée Yellowknife Bay située à environ 500 mètres du site d'atterrissage, les instruments de Curiosity ont permis de découvrir des dépôts fluvio-lacustres. Le rover a mis en évidence des dépôts sédimentaires constitués de grains très fins dont les caractéristiques permettent de déduire qu'ils ont été déposés au fond d'un lac. L'analyse de ces grains montrent que les eaux de ce lac avaient un pH neutre, une faible salinité et qu'on y trouvait plusieurs niveaux d'oxydation du soufre et du fer.
Les instruments ont détecté la présence de carbone, d'hydrogène, d'oxygène, de soufre, d'azote et de phosphore. Cette composition démontre la présence d'un environnement viable sur le plan biologique qui a persisté sur une durée d'au moins quelques centaines d'années et jusqu'à plusieurs dizaines de milliers d'années durant la période post-Noachienne (il y a moins de 4 milliards d'années).
Les sédiments analysés proviennent de l'érosion de roches magmatiques présentes sur les remparts du cratère Gale et dont la composition reflète celle de la croûte de Mars. Les sédiments se sont formés en plusieurs étapes dans des conditions très différentes. Ceux de la couche située à la base sont faiblement altérés ce qui implique un dépôt rapide dans des conditions arides sans doute froides. Les matériaux argileux et la magnétite détectés en leur sein ne sont pas d'origine mais se sont diffusés après dépôt par circulation de fluides de pH presque neutre. Au cours d'une deuxième période, les sédiments ont été modifiés donnant naissance à des nodules, des rides en relief, des veines plus claires en déposant des sulfates de calcium, du magnésium et du chlore.
Toutes les roches examinées sur le site d'atterrissage par les instruments de Curiosity sont de type sédimentaire c'est-à-dire qu'elles résultent de l'action de l'eau et de l'érosion éolienne. Ces sédiments se sont formés en partie sous l'action de l'eau courante comme à Yellowknife Bay ou de processus éoliens comme à Shaler. Nombre de ces roches comportent des fractures remplies de minéraux riches en eau.
La composition minérale de ces sédiments laisse toutefois les géologues perplexes. En effet ces roches sédimentaires sont constitués de minéraux d'origine basaltique. Or ce type de minéral sur Terre est transformé rapidement (à l'échelle géologique) par les processus de météorisation physico-chimique déclenchés par la présence d'eau. La structure cristalline de l'olivine, du pyroxène et du plagioclase, qui forment le basalte, est modifiée par l'oxydation qui réduit les proportions de fer, magnésium et calcium contenus à l'origine et au contraire accroit les proportions de silicium et d'aluminium aboutissant à la formation d'argiles. Aussi sur Terre les roches sédimentaires à base de basalte sont rares. Ce processus n'est pas observé sur les roches étudiées par les instruments de Curiosity. Celles-ci sont riches en fer et en magnésium et pauvres en aluminium et en silicium. Elles sont par ailleurs plus riches en potassium que ne le sont normalement les basaltes. L'explication la plus logique est que les roches sédimentaires se sont constituées en deux temps. La fragmentation du basalte s'est réalisée de manière mécanique sans intervention de l'eau. Il y a eu par la suite un épisode aqueux extrêmement bref qui n'a pas permis la dégradation du basalte et au cours duquel les couches sédimentaires se sont formées. Cette interprétation renforce le scénario d'une planète Mars sèche, même dans les premières phases géologiques, et donc peu propice à l'apparition de la vie sous quelque forme que ce soit.
Depuis le début de la mission, les caméras du rover montrent des vestiges de petits cours d'eau qui viennent accumuler du sable et de l'argile au pied du mont Sharp en formant des deltas. Après avoir observé des centaines de couches superposées à la base du mont, les scientifiques émettent l'hypothèse que le mont était occupé autrefois par un lac de grande taille progressivement comblé par les sédiments déposés par les cours d'eau. Le processus se serait déroulé sur des dizaines de millions d'années. La présence de ce lac indique que Mars a été suffisamment chaude pour maintenir de l'eau liquide sur de longues périodes sans qu'on puisse expliquer les mécanismes météorologiques qui auraient pu le permettre.

Les mesures des instruments de Curiosity beaucoup plus précises que celles réalisées par les missions précédentes ont permis de confirmer le scénario d'un échappement de l'atmosphère originelle dans l'espace.
L'instrument REMS effectue des mesures en continu de la température, de l'humidité. Entre mi-août 2012 et février 2013, les capteurs indiquent une température pratiquement constante avec un minimum quotidien à −70 °C et un maximum à 0 °C. L'augmentation de pression moyenne passe de 0,75 à 0,9 % de la pression terrestre, conséquence de l'évaporation du dioxyde de carbone gelé au pôle sud du fait d'un ensoleillement croissant.
L'instrument RAD de Curiosity a mesuré le rayonnement cosmique reçu durant le transit entre la Terre et Mars et lors du séjour sur Mars sur une période d'environ 300 jours. Ces mesures avaient deux objectifs : déterminer les conditions nécessaires pour que des microorganismes survivent sur Mars compte tenu du rayonnement existant et déterminer le niveau de risque pour une mission spatiale habitée vers Mars.

Les mesures effectuées indiquent à la surface de Mars une dose de rayonnement d'origine galactique de 210 ± 40 microgray par jour. Dans l'espace, durant le transit entre la Terre et Mars, le rayonnement est beaucoup plus intense (480 ± 8 microgray) car le vaisseau n'est protégé ni par le sol de la planète, qui bloque plus de 50 % des particules, ni par l'atmosphère. Le rayonnement d'origine solaire mesuré à la surface durant les pics d'activité représente environ 50 micrograys. D'après ces données, les astronautes d'une mission habitée vers Mars respectant le scénario de référence de la NASA (transit de 180 jours et séjour de 500 jours) subiraient une dose équivalente (pondérée en fonction de l'énergie des particules) totale d'environ 1,01 Sievert, dont 320 millisieverts durant leur séjour sur Mars et deux fois 331 millisieverts durant les voyages aller et retour. À titre de référence la dose annuelle moyenne de rayonnement naturel reçue à la surface de la Terre est de 2,5 millisieverts.
Après avoir accumulé une vingtaine de mois de mesures avec l'instrument SAM, l'équipe scientifique de Curiosity a confirmé la présence de méthane dans l'atmosphère de Mars dans une proportion de 0,69 partie par milliard avec une marge d'erreur de 0,29. L'instrument a également détecté plusieurs montées de la concentration avec un pic à 21 parties par milliard, ce qui indique que du méthane continue d'être relâché localement.