Après avoir voyagé cet été à travers un passage étroit bordé de sable, le rover Curiosity est récemment arrivé dans une zone contenant des sulfates, une région longtemps convoitée du mont Sharp, car elle se serait formée quand le climat de Mars s'asséchait et serait riche en minéraux salés.
Les scientifiques émettent l'hypothèse qu'il y a des milliards d'années, les ruisseaux et les lacs ont laissé derrière eux des minéraux lorsque l'eau a disparu progressivement. En supposant que l'hypothèse soit correcte, ces minéraux offrent des indices intéressants sur la façon dont le climat de la planète rouge est passé d'un climat plus semblable à celui de la Terre au désert gelé qu'il est aujourd'hui.

Panorama capturé le 23 août 2022 d'une colline surnommée "Bolívar", avec ses crêtes de sable adjacentes difficiles à franchir. Cliquez sur l'image pour avoir une vue complète. Crédit : NASA/JPL-Caltech/MSSS
Ces minéraux sulfatés ont été repérés par la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter quelques années avant l'atterrissage de Curiosity en 2012. Les scientifiques ont donc attendu longtemps pour avoir la chance d'examiner en détail ce terrain. Peu de temps après son arrivée, le rover a découvert un large éventail de types de roches et de signes d'eau passée, parmi lesquels des nodules évoquant la forme de pop-corn, et des minéraux salés tels que le sulfate de magnésium (comme le sel d'Epsom), le sulfate de calcium (y compris le gypse) et le chlorure de sodium (le sel de table ordinaire).
Ils ont sélectionné une roche surnommée "Canaima" lors du 36ème échantillon de forage de la mission, et le choix n'a pas été une tâche facile. En plus des considérations scientifiques, l'équipe a dû prendre en compte le matériel du rover. Curiosity utilise une perceuse rotative à percussion, une sorte de marteau-piqueur situé à l'extrémité de son bras de 2 mètres pour pulvériser les échantillons de roche à analyser. Des freins usés sur le bras ont récemment amené l'équipe à conclure que certaines roches plus dures nécessitent trop de martelage pour forer en toute sécurité.

36ème forage réussi sur le mont Sharp, sur un rocher appelé "Canaima". L'échantillon de roche pulvérisée a été acquis le 3 octobre 2022. Crédit : NASA/JPL-Caltech/MSSS
« Comme avant chaque forage, nous avons balayé la poussière, puis pénétré la surface supérieure de "Canaima" avec le foret. L'absence de rayures ou d'indentations montrait que la roche était difficile à percer », a déclaré la nouvelle chef de projet de Curiosity, Kathya Zamora-Garcia du Jet Propulsion Laboratory de la NASA en Californie du Sud.
« Nous avons fait une pause pour déterminer si cela posait un risque pour notre bras. Avec le nouvel algorithme de forage, créé pour minimiser l'utilisation de la percussion, nous nous sommes sentis à l'aise pour collecter un échantillon de "Canaima". Il s'est avéré qu'aucune percussion n'était nécessaire. Les scientifiques de la mission ont hâte d'analyser cet échantillon avec l'instrument de chimie et de minéralogie (CheMin) et l'instrument d'analyse d'échantillons sur Mars ( SAM ) ».

Cette grille montre les 36 trous forés par le rover Curiosity à l'aide de la perceuse à l'extrémité de son bras robotique. Les images de la grille ont été capturées par le Mars Hand Lens Imager (MAHLI) à l'extrémité du bras de Curiosity. Cliquez sur l'image pour l'agrandir. Crédit : NASA/JPL-Caltech/MSSS
Le voyage vers la région riche en sulfates a conduit Curiosity à travers un terrain dangereux, y compris en août dernier dans le col sablonneux de "Paraitepuy", qui serpente entre de hautes collines. Il a fallu plus d'un mois au rover pour naviguer en toute sécurité afin d'atteindre enfin sa destination.
Alors que les rochers tranchants peuvent endommager les roues de Curiosity, le sable peut être tout aussi dangereux, provoquant potentiellement le blocage du rover si les roues perdent leur traction. Les conducteurs du rover doivent naviguer avec précaution dans ces zones. Les collines bloquaient la vue du ciel de Curiosity, obligeant le rover à être soigneusement orienté en fonction de l'endroit où il pouvait pointer ses antennes vers la Terre et de la durée pendant laquelle il pouvait communiquer avec les orbiteurs passant au-dessus.

Cette scène a été capturée par Curiosity le 9 septembre 2015, lorsque le rover était à plusieurs kilomètres de son emplacement actuel. Le cercle indique l'emplacement d'un rocher que le rover a récemment atteint. À gauche de celui-ci se trouve le col de "Paraitepuy", que Curiosity traverse maintenant. Cliquez sur l'image pour l'agrandir. Crédit : NASA/JPL-Caltech/MSSS
Après avoir bravé ces risques, l'équipe a été récompensée par certains paysages parmi les plus fascinants de la mission, que le rover a immortalisé avec un panorama capturé le 14 août dernier à l'aide de sa caméra Mastcam. « Nous recevions de nouvelles images impressionnantes tous les matins », a déclaré Elena Amador-French du JPL, coordinatrice des opérations scientifiques de Curiosity entre les équipes scientifiques et l'ingénierie. « Les crêtes de sable sont splendides. On peut apercevoir les traces de roues du rover, et les falaises magnifiques ».
Mais cette nouvelle région comporte ses propres défis : Bien que scientifiquement convaincant, le terrain beaucoup plus rocheux compliquent les déplacements de Curiosity qui peine à trouver un sol stable. Si le rover perd en stabilité, les ingénieurs ne prendront pas le risque de détacher le bras, au cas où il heurterait les rochers. Source:
jpl.nasa.gov